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CHAPITRE V. DU GENRE CERATODUS

 

Les dents qui constituent ce genre, se rapprochent par leur structure de celles des Psammodus, auxquelles je les avais d'abord réunies; cependant leur forme présente des particularités trop notables, pour qu'il ne devienne pas nécessaire de les réunir dans un groupe particulier. Cette séparation me paraît d'autant plus convenable, que ces dents n'étaient certainement pas groupées sur plusieurs rangées comme celles des Psammodus; du moins les inégalités de leur surface paraissent rendre la chose impossible. Je crois plutôt que chacune de ces dents occupait un côté des mâchoires et qu'elles étaient rapprochées l'une de l'autre sur la ligne médiane, par l'un de leurs bords, probablement par le bord droit.

 

Toutes ces dents, quelque irrégulières qu'elles soient, ont cela de commun, que l'un de leurs côtés est plus ou moins droit, tandis que le côté opposé a des cornes saillantes. Il est assez curieux que sur dix-sept dents que j'ai examinées, il y en ait onze qui ont leurs cornes du même côté, et six seulement qui les ont du côté opposé; ce qui prouve évidemment que nous devons nous attendre á découvrir encore beaucoup de pièces additionnelles qui contribueront á faire mieux connaître ce singulier genre. Cette parité des plaques dentaires rapproche le genre Ceratodus plutôt des Cestraciontes que des Raies du groupe des Myliobates.

 

Pour le moment il est impossible de leur assigner avec certitude quelque genre des rayons déjà décrits. Cependant la coïncidence de gisement me ferait penser que mes Nemacanthus appartiennent aux animaux dont je décris ici les dents sous le nom de Ceratodus.

 

Il est très-difficile de se faire une juste idée de la structure de ces dents, et encore plus de déterminer quelles modifications on doit envisager chez elles comme spécifiques, et quelles sont celles qui résultent de leur position, dans la mâchoire supérieure ou dans la mâchoire inférieure, et quelles sont les différences qui résultent de l'àge des individus. Jusqu'à ce que tout cela puisse être fixé, il m'a paru nécessaire de distinguer les formes que j'ai observées, comme autant d'espèces différentes. Je m'y suis cru autorisé par le fait, que l'espèce du Keuper et celle de l'oolithe de Stonesfield diffèrent de la même manière entre elles, que plusieurs de celles qui ont été trouvées réunies dans le Lias de Bristol.

 

Ces dents sont composées de deux couches très-différentes: l'une, superficielle, est une espèce d'émail composé de tubes très-serrés, exactement comme dans les Psammodus, Cochliodus, Strophodus, etc., formant la couronne des dents et donnant á leur surface cet aspect pointillé qui caractérise les genres indiqués. L'autre couche est osseuse, plus ou moins développée á la surface inférieure de l'émail, et composée d'un tissu réticuleux semblable á celui des poissons cartilagineux en général, serré là où l'os est mince, lâche où il est plus épais. La surface extérieure de l'os est lisse.

 

Il est évident, d’après la forme de ces dents, que leur bord droit est le bord interne, et que le bord cornu est l'externe. Il paraît également certain, que le côté le plus étroit de chaque dent est son extrémité antérieure. Cela reconnu, il est assez curieux de voir que toujours les cornes tournées en dehors ont leur pointe dirigée en avant. Il est également constant que les cornes postérieures sont de plus en plus grandes. Dans un exemplaire du Ceratodus altus tab. 20, fig. 4, on voit une lame osseuse placée verticalement sur le bord interne de la dent; cependant, comme cette partie osseuse se détache en général très-facilement de l'émail, il est encore impossible de préciser les formes de l'os, qui est beaucoup plus friable que l'émail, celui-ci se trouvant en général seul conservé, comme dans les Strophodus de Stonesfield. Du reste, les différences les plus notables que l'on remarque entre ces dents, sont des différences de forme, car leur structure est la même chez toutes. Il faut d'abord distinguer les larges, qui sont en même temps plus plates, et les allongées, dont les cornes sont plus relevées. Il serait possible que les dents plates eussent appartenu á la mâchoire supérieure, et les étroites á la mâchoire inférieure, ou vice versa. Mais quoi qu'il en soit de cette supposition, il est certain que ces dents sont celles d'un genre de poisson inconnu jusqu’à présent, d'une organisation très-singulière, offrant, dans la structure de ses dents, quelque affinité avec les Cestraciontes. Ce qui distingue encore les dents larges, c'est que leur bord interne n'est pas entièrement droit; il se rétrécit en avant et en arrière par une forte échancrure, tandis que l'extrémité des cornes externes forme à-peu-près une ligne droite.