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I. STROPHODUS LONGIDENS Agass.

Strophodus longidens Tafel 16 fig. 1-8

© ETH-Bibliothek Zürich, Alte Drucke

Vol. 3. Tab. 16

 

Psammodus longidens Agass. Planche citée

 

Je commence l'énumération des espèces du genre Strophodus, par celle sur laquelle je possède le plus de renseignemens. C'est celle dont j'ai déjà publié divers fragmens sous le nom de Psammodus longidens, tab. 16. Ces fragmens, découverts dans le calcaire de Caen, aux environs de cette ville, sont d'un grand intérêt pour la connaissance des caractères de toutes les espèces du genre, parce que l'on y voit réunies plusieurs rangées de dents qui montrent quelles sont les modifications que la dentition peut présenter dans la même espèce. Ce sont deux plaques inégales sur la plus grande desquelles, fig. 2, on voit des dents de trois rangées au moins, bien que les plus longues seulement ne soient pas déplacées; sur la petite plaque, fig. 1, il n'y a que deux rangées de dents, différentes des précédentes par leur forme et par leurs dimensions; enfin les fig. 3, 4, 5, 6, 7 et 8 représentent des dents isolées. Avec ces élémens, qu'il est possible de combiner de manière á rétablir à-peu-près tout le ratelier de cette espèce, on peut acquérir la certitude que les dents si variées de la tab. 17, qui ont toutes été trouvées ensemble dans la même localité, proviennent de la même espèce, et cette certitude donne une nouvelle précision aux caractères du genre Strophodus, puisqu'elle nous permet d'ajouter á sa dentition quelques formes extrêmes, que nous n'avons pas dans les plaques de Strophodus longidens, mais qui, puisqu'elles appartiennent évidemment au même animal dont les dents correspondantes sont figurées sous le nom de Psammodus (Strophodus) reticulatus, se retrouveraient sans doute aussi dans'les mâchoires de Strophodus longidens, si on les possédait en entier. Il importerait beaucoup de savoir si ces dents proviennent du côté droit ou du côté gauche de la mâchoire supérieure ou de la mâchoire inférieure, afin de pouvoir plus tard assigner une position naturelle aux dents isolées d'autres espèces qu'on aura á figurer ou á comparer á celle-ci. En mettant en regard ces pièces avec les mâchoires du Cestracion Philippi tab. D, on serait porté á croire que la grande plaque, tab. 16, fig. 2, renferme trois rangées de dents de la branche gauche de la mâchoire inférieure ou de la branche droite de la mâchoire supérieure; il paraît du moins que la rangée principale de longues dents de la fig. 2 correspond á la série de dents du côté gauche de la figure 13, tab. D., qui est paire de celle marquée o. sur le côté droit. Je le présume du moins á cause de cette circonstance, que du côté postérieur de la gueule, c'est-à-dire, du côté de la branche articulaire de la mâchoire, l'extrémité de chaque dent est plus renflée que du côté de la symphyse des deux mâchoires. Les dents de cette rangée sont les plus longues que l'on connaisse de cette espèce et même de tout le genre; elles sont arrondies latéralement, tronquées á l'extrémité antérieure (qui est supérieure dans la position de la plaque sur la planche), taillées en biseau arrondi á l'extrémité postérieure (qui est le côté inférieur d’après la planche), sensiblement renflées en forme de bosse irrégulière, et oblique au second tiers postérieur, et uniformément ridées transversalement sur toute leur surface. Ce dernier caractère est commun á toutes les dents du Strophodus longidens, aux plus allongées, comme aux plus larges, aux plus plates, comme aux plus bossues. Je regrette seulement que lors de mon séjour á Caen, le dessinateur qui les a figurées, pressé de terminer les dessins des nombreux et curieux poissons fossiles que MM. de Magneville et Eudes Deslongchamps voulurent bien me communiquer, n'ait pas eu le temps de rendre exactement les détails des réseaux de rides qui donnent á ces dents leur aspect plissé; il serait fort á désirer que M. Deslongchamps publiât quelque jour une figure bien détaillée de la surface d'une de ces dents au moins. Alors il m'importait essentiellement de connaître leur disposition et leurs formes diverses; aujourd'hui que j'en connais plusieurs espèces, il me paraîtrait également important d'analyser les détails de leur structure. La dent isolée qui se trouve dans la plaque fig. 2, tab. 16, au-dessus des cinq dents de la série principale, me paraît à-peu-près en place et correspondrait á une dent de la série antérieure, á celle qui est marquée o. dans la fig. 13, tab. D.; sa forme semble d'ailleurs confirmer cette supposition: elle est plus courte que celles de la série principale, cependant elle est encore régulière, mais plus rétrécie á ses deux extrémités et plus uniformément bombée sur le milieu. Les cinq dents inférieures de la même plaque, en partie disloquées, correspondraient alors aux dents de la série postérieure á la série o. figure 13, et ici encore leur forme irrégulière et contournée indique que ce sont des dents qui occupaient une position plus reculée dans la gueule que celles qui viennent d’ètre décrites; elles sont rétrécies aux deux extrémités, qui sont elles-mêmes plus ou moins fléchies sur le côté, mais en sens inverse aux deux bouts; le milieu est sensiblement plus élevé et toute la surface arrondie; la partie médiane a cependant une tendance assez prononcée á se rehausser en forme de quille, surtout vers les deux bouts, comme on le voit en particulier sur une dent isolée, fig. 5, qui est la plus irrégulière de toutes celles que j'ai vues. Cette dent se voit de profil des deux côtés, fig. 3 et 4 et d'en haut fig.5. La petite dent, au bord droit de la plaque fig. 2, est la seule de cette forme qui se soit trouvée associée aux formes déjà décrites. Sa présence sur la même plaque sur laquelle sont fixées les trois modifications dont il a déjà été question, est d'un intérêt immense pour la détermination des autres espèces du genre, parce qu'elle associe d'une manière indubitable cette forme aux précédentes, et comme on en retrouve de semblables dans plusieurs autres localités où l'on en rencontre des allongées, on ne pourra pas ètre tenté de les envisager comme des espèces distinctes, puisqu'ici elles se trouvent sur la même plaque avec des formes transitoires. Ce qui distingue surtout cette dent, c'est que sa couronne est arquée et saillante, en forme de chaperon arrondi, et que ses extrémités plus étroites ont, comme les cinq dents inférieures de la même plaque, une tendance á se tordre latéralement. Si j'ai décrit ces dents comme appartenant au côté gauche de la mâchoire inférieure, c'est afin qu'il soit plus facile de les comparer avec celles du Cestracion figurées tab. D, mais comme je l'ai déjà fait remarquer, elles pourraient tout aussi bien provenir du côté droit de la mâchoire supérieure.

 

En examinant la plaque fig. 1, je me suis d'abord demandé si les dents qu'elle porte avaient appartenu á la même mâchoire que celles de la fig. 2, ou si elles provenaient de la mâchoire opposée, c'est-à-dire, de la mâchoire supérieure, dans le cas où les précédentes seraient de la mâchoire inférieure et vice-versa. La solution de cette question ne m'a pas paru difficile; elle est écrite en toutes lettres sur la plaque fig. 2, par la seule présence de quelques dents aux deux bouts de celles de la rangée principale. En effet, la dent supérieure, aussi bien que les dents inférieures de la plaque 2, montrent, par leur forme, que les cinq dents principales qui sont en place, occupaient le milieu de la mâchoire et que les dents antérieures (ici la dent supérieure est seule maintenue en place) et les dents postérieures (les cinq du bord inférieur de la figure) tendaient déjà à prendre les formes particulières aux dents de la partie antérieure et de la partie postérieure de la mâchoire, c'est-à-dire, á s'infléchir de côté, á leurs bouts, et á se rehausser, dans le milieu, en forme de quille ou arête arrondie longitudinale. Or, comme les cinq dents consécutives sont placées les unes derrière les autres et recouvrent la mâchoire obliquement de dehors en dedans et d'avant en arrière, et comme la dent supérieure et les dents inférieures de notre figure sont placées immédiatement á l'extrémité antérieure et á l'extrémité postérieure de celles de la rangée principale, il en résulte que dans la même mâchoire il n'y avait pas de dents de forme intermédiaire entre ces trois rangées, ce qui prouve deux choses également importantes: 1° que les dents de la plaque fig. 1 proviennent de la mâchoire opposée, puisqu'elles n'ont pu occuper une place intermédiaire entre les rangées de la plaque fig. 2, bien que par leur forme elles soient intermédiaires entre celles des rangées extérieures et celles de la rangée principale; 2° que le genre Strophodus avait, á ses mâchoires, un nombre de rangées moins considérable que le genre Cestracion, puisque les dents antérieures et les dents postérieures passent plus directement aux formes extrêmes qui se trouvent à la partie antérieure et á la partie postérieure des mâchoires. Ce qui prouve d'ailleurs également que les dents de la plaque fig. 1 proviennent de la mâchoire opposée à celles de la plaque fig. 2, c'est qu'elles sont tronquées carrément en sens inverse á leur extrémité antérieure (qui est inférieure dans la position que la plaque a reçue sur la planche) Cela posé, il est évident que le caractère général des dents de l'une des mâchoires consistera dans leur forme plus allongée et plus étroite, en même temps que la couronne aura une tendance plus prononcée á s'élever en quille, et que celui des dents de l'autre mâchoire sera d’ètre plus courtes, mais plus larges et surtout plus plates, comme l'indiquent surtout les dents détachées, fig. 7 et 8, qui, par leur plus grande ressemblance avec les dents de la rangée supérieure de la plaque fig. 1, semblent revendiquer une place á la même mâchoire. Aussi suis-je porté á croire que les deux séries de dents de la plaque fig. 1, se rencontraient avec celles de la plaque fig. 2, de manière á permettre á une troisième série de dents plus larges encore, comme celles des fig. 7 et 8, de s'appliquer également contre elles pendant la manducation. Il me paraît cependant difficile de préciser comment ces trois rangées se superposaient: je n'entrevois qu'une seule combinaison qui corresponde á leurs dimensions relatives, c'est que la rangée inférieure delà fig. 1 répondait á la rangée supérieure de la fig. 2, et la rangée supérieure de la fig. 1 á la rangée moyenne de la fig. 2, de telle sorte que l'extrémité postérieure de la rangée inférieure de la fig. 1, qui dans la figure est sa partie supérieure, renflée et taillée en biseau, occupât l'intervalle entre la rangée supérieure et la rangée principale de la fig. 2, ce qui ferait tomber la rangée supérieure de la fig. i, sur la partie allongée de la rangée principale de la fig. 2, de telle manière que la partie la moins saillante de ces dents s'avancerait sur la partie la plus saillante des longues de la fig. 2, et que l'intervalle entre ces dernières et la rangée inférieure serait occupé par les larges dents plates fig. 7 et 8. On se rendra facilement compte des diverses positions que je suppose á ces plaques pour les faire coïncider, en en calquant une á gros traits sur un papier transparent et en l'appliquant en divers sens sur l'autre. Mais pour pouvoir placer ainsi ces deux plaques l'une sur l’autre, il faut admettre que l'une est la mâchoire inférieure et l’autre la mâchoire supérieure du même côté de l'animal, c'est-à-dire que si, comme je l'ai d'abord admis, la plaque fig. 2 est la mâchoire inférieure du côté gauche, la plaque fig. 1 est la mâchoire supérieure du côté droit et vice versa, ainsi que je vais chercher á le démontrer encore. Je n'ai pu obtenir aucun renseignement précis sur la position relative dans laquelle ces plaques ont été trouvées: cependant je crois pouvoir déduire avec assez de vraisemblance de la nature du grain de la roche, dans chaque plaque, qu'elles étaient superposées l'une á l'autre. Il est évident pour moi, que les deux plaques n'étaient pas juxta-posécs, leurs contours qui ne se rapportent pas et surtout la différence sensible dans le grain de leur pâte le prouvent suffisamment; puis j'ai déjà fait voir que la forme des dents indiquait qu'elles provenaient l'une de la mâchoire supérieure et l'autre de la mâchoire inférieure Mais cela étant, Tune pourrait être du côté gauche de la mâchoire inférieure et l'autre du côté droit de la mâchoire supérieure. Dans ce cas il faudrait qu'en les détachant de la roche on eût enlevé d'un côté la plaque droite de la mâchoire supérieure, sans avoir rencontré dessous la plaque opposée de la mâchoire inférieure, et á côté, la plaque gauche de la mâchoire inférieure, de dessus laquelle la plaque opposée de la mâchoire supérieure aurait déjà été enlevée également sans qu'on l'eût aperçue, coïncidence fâcheuse dont on se rendrait difficilement compte chez des carrieurs habitués, comme dans les environs de Caen, á recueillir ce qu'ils trouvent; tandis que l'on concevrait bien plus aisément que le bloc renfermant l'autre moitié des deux mâchoires ne se fût pas partagé dans l'endroit qui recelait les dents, et que cela eût eu lieu pour cette moitié. Ce qui tendrait à prouver que ma supposition est juste, c'est d'un côté la facilité avec laquelle on peut adapter les deux plaques dans une position qui paraît normale, comme je l'ai indiqué plus haut (sans qu'elles s'engrènent cependant comme deux contre-parties de la même pièce, comme on le voit souvent pour des poissons d'autres localités), et de l'autre, l'uniformité que présentent les deux plaques dans la disposition des dents qu'elles portent. Dans la plaque fig. 2, il y a deux séries de cinq dents, contiguës, dans l'une, et disloquées dans l'autre; et dans la plaque fig. 1, également une série de cinq dents disloquées et une série de quatre dents à-peu-près contiguës. Que cette circonstance indique réellement une dislocation produite par une cause quelconque sur les rangées de dents du même côté de la tète ou non, toujours est-il qu'elle est au moins significative pour le nombre de dents placées les unes derrière les autres, dans une même série. Il ne saurait être purement accidentel que l'on rencontrât ce même nombre de dents dans trois rangées différentes, et comme déjà nous avons vu qu'il est probable que le genre Strophodus avait un plus petit nombre de rangées de dents que le genre Cestracion, il me paraît également probable que chaque rangée contenait aussi moins de dents placées les unes derrière les autres, de dehors en dedans; ensorte que le genre Strophodus serait á cet égard intermédiaire entre le genre Cestracion et le genre Cochliodus, comme ce dernier est intermédiaire entre le genre Cestracion et le genre Ceratodus.

 

Après avoir décrit les principaux fragmens de cette espèce, sans chercher á préciser l'alternative de leur position, du côté droit ou du côté gauche de la mâchoire supérieure ou de la mâchoire inférieure, et en admettant simplement l'un des cas possibles sans autre preuve, je dois encore exposer les raisons qui m'ont fait envisager la combinaison que j'ai supposée comme la plus raisonnable et engagé á décrire ces mâchoires comme étant réellement l'une, fig. 2, un fragment de la mâchoire inférieure du côté gauche et l'autre, fig. 1, un fragment de la mâchoire supérieure du même côté. C'est á l'aspect des dents et á la différence qu'elles présentent dans les deux fragmens, que j'ai emprunté mes motifs. Il est facile de s'apercevoir, dans la série des Placoides, que les dents de la mâchoire supérieure sont, ou plus larges, d'une manière absolue, que celles de la mâchoire inférieure, ou du moins plus larges et plus épaisses comparativement á l'étendue de leur base: or les différences que présentent les dents des plaques fig. 1 et fig. 2 sont précisément de cette nature, c'est-à-dire que les dents de la première sont plus larges d'une manière absolue et relativement á la largeur de leur base, tandis que celles de la plaque fig. 2 sont plus allongées et ont une tendance plus prononcée á se rehausser sur le milieu.

 

Quant á la petite dent fig. 7, dont il n'a pas encore été question, elle provient évidemment de la partie postérieure des mâchoires et correspondait á celles qui, dans ma figure de la mâchoire de Cestracion, sont marquées o fig. 13 Tab. D, et dont une est grossie fig. 19.

 

Comme il a déjà été dit, toutes les dents de Strophodus longidens connues proviennent du calcaire de Caen, où elles sont associées aux débris de grands reptiles décrits par MM. Eudes Deslongchamps et Geoffroy de St Hilaire. Les fragmens que j'ai figurés se trouvent au Musée de Caen et dans la collection de M. Deslongchamps.

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