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CHAPITRE IX. DE LA STRUCTURE DES DENTS DES CESTRACIONTES

 

La famille des Cestraciontes, telle que nous la limitons maintenant, comprend des Squales broyeurs, dont les dents sont réunies en pavé ou en séries contiguës et qui, parce qu'elles manquent de tranchant ou de pointe, ne paraissent point aptes á lacérer une proie. De toutes les dents que nous avons décrites dans les pages précédentes, il n'y en a qu'une seule, le Chomatodus acuminatus, pag. 108, qui doive être éliminée de cette famille et rapportée á celle des Hybodontes ou bien même placée á côté de celle des Squalides proprement dits, puisque c'est une dent á lame tranchante; peut-être aussi devra-t-on la ranger dans une famille á part avec le Lépidosirène, comme nous le verrons ailleurs. Elle rentre dans le nouveau genre Petalodus, de M. Owen.

 

La structure microscopique des dents des Cestraciontes n'est pas moins caractéristique que leur forme extérieure; elle est si particulière qu'il suffit d'en connaître le type pour pouvoir dire du premier morceau détaché que l'on rencontre, non-seulement á quelle famille, mais même á quel genre il appartient. Nous avons décrit plus haut la forme et la structure de ces dents, telles qu'elles se montrent á l'oeil nu ou á la loupe, et nous avons surtout insisté sur ce fait, que presque toutes, quelle que soit leur forme, montrent une racine distincte, d'aspect poreux et réticulé, séparée de la couronne, qui paraît plus homogène, par un étranglement ou un sillon plus ou. moins prononcé. Lorsqu'on examine á l'oeil nu une tranche verticale de la couronne, on la trouve composée de fibres verticales, qui paraissent de plus en plus serrées vers la surface. Une disposition semblable s'observe dans la plupart des cas sous le microscope, et quoique la substance de la racine et celle de la couronne des dents soient la même dans la plupart des genres, on remarque cependant des différences notables dans l'arrangement des canaux médullaires dont cette substance est traversée. Ces canaux médullaires, d'une largeur plus ou moins considérable, forment, dans la racine, des réseaux nombreux, tandis qu'ils sont disposés plus ou moins verticalement dans la couronne, et se bifurquent dans la plupart des cas. Il n'y a qu'un petit nombre de genres dans lesquels ils présentent des ramifications latérales qui s'anastomosent entre elles et forment un réseau semblable á celui de la racine; mais ce réseau est á mailles longitudinales, dont l'arrangement affecte toujours un certain rayonnement vertical vers la surface. La dentine, dans laquelle ces canaux médullaires sont creusés, est en général très-dure et cassante. Les tubes calcaires qui la traversent sont très-différens dans les différens genres; mais en général disposés de manière á rayonner á partir des canaux médullaires; ils sont donc, dans la plupart des cas, parallèles à la surface de la couronne, et ce n'est que vers la surface extérieure de la dent qu'ils prennent une direction ascendante.

 

Nous diviserons, d’après la structure microscopique, les dents des Cestraciontes en trois groupes. Le premier, dont le genre vivant Cestracion est le type, et auquel appartiennent les genres fossiles Ptychodus, Strophodus et Acrodus, possède, outre la dentine que nous venons de mentionner, une couche distincte d'une substance émaillée á la surface de la couronne. Cet émail forme une zone blanche le long du bord, dans l'espèce vivante, tandis que dans les espèces fossiles, dont la couleur dépend des substances minérales infiltrées dans le tissu de la dent, cet émail ne se distingue que par un aspect plus lisse et plus uni que le reste de la couronne. La structure de cet émail diffère toujours de celle de la dentine par l'arrangement des tubes calcaires qui s'y trouvent, et qui en général sont plus fins et plus serrés que dans la dentine proprement dite, quoiqu'il y ait aussi des cas où l'inverse ait lieu.

 

Le second groupe se compose des genres Chomatodus, Cochliodus, Psammodus et Ceratodus; il se distingue du premier, en ce que cette couche d'émail manque complètement. Une conséquence naturelle de cette absence d'émail, c'est que les canaux médullaires de la dentine s'ouvrent á la surface extérieure de la- dent, ce qui lui donne un aspect sablé ou finement pointillé. J'avais déjà signalé ce fait, d’après l'inspection superficielle de ces dents, avant de m'être servi de microscope. M. Owen (Odontography, pag. 59), au contraire, a révoqué en doute cette disposition et a prétendu que dans les dents des Psammodontes et des genres voisins, les canaux médullaires finissaient toujours á une petite distance de la surface extérieure. J'ai par conséquent repris mes recherches, en commençant par faire de fines tranches transparentes de ces dents que j'examinai au microscope. La simple vue de mes figures prouvera, je l'espère, que je ne m'étais pas trompé, et qu'en effet les canaux médullaires pénètrent jusqu'à la surface pour s'y ouvrir. Je ne sais á quelle cause je dois attribuer l'erreur du célèbre observateur anglais.

 

Un troisième groupe, enfin, est formé par les deux genres assez exceptionnels Ctenodus et Ctenoptychius. La structure de ces dents est caractérisée par une dentine presque homogène, qui n'offre que par-ci par-là des traces de tubes calcaires et dans laquelle les réseaux des canaux médullaires sont tellement développés, qu'ils excèdent la masse de la dentine qui les enveloppe. Aussi toute disposition parallèle des canaux médullaires a-t-elle disparu. dans ces dents.

 

N'ayant pas de dent du genre Helodus á ma disposition, je ne puis pas encore lui assigner une place certaine. Je pense cependant qu'il devra être rangé dans le second groupe, á côté du genre Chomatodus.